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Concours Physique II École Polytechnique (MP) 1999 (Énoncé)

(Durée: 3 heures)
L'utilisation des calculatrices est autorisée pour cette épreuve.

Quelques aspects de la physique des milieux granulaires

Un solide granulaire est un matériau composé de particules solides discrètes de taille typique comprise entre 100 et 3 000 μm, et qui restent le plus souvent en contact les unes avec les autres. Cette classe de matériaux comprend les ciments, les sables, les graviers, les granulats, les céréales... On s'intéresse dans ce problème à quelques aspects, statiques et dynamiques, de la physique de ces systèmes qui reste encore assez mal comprise.
La première partie du problème est indépendante des deux suivantes.

Formulaire

L'action du solide B sur le solide A en contact se décompose en une composante normale et une composante tangentielle vérifiant :
\(\left\| {\vec{T}} \right\|\le {{\mu }_{s}}\left\| {\vec{N}} \right\|\)
en l'absence de glissement entre A et B
\(\left\| {\vec T} \right\| = {\mu _d}\left\| {\vec N} \right\|\)
lorsqu'il y a glissement de A sur B.
μs et μd sont appelés coefficients de frottement respectivement statique et dynamique et vérifient l'inégalité :
\({{\mu }_{d}}\le {{\mu }_{s}}\).
Première partie

Hystérésis de frottement

Une des difficultés conceptuelles majeures pour la description d'un système comportant du frottement solide est l'impossibilité de prévoir les positions d'équilibre et le bilan des forces à moins de connaître de façon détaillée l'histoire de la mise en équilibre. Le but de cette partie est d'illustrer ce phénomène (dit d'hystérésis) sur un exemple simple.
Une brique parallélépipédique de poids P est en contact avec une paroi solide inclinée d'un angle θ par rapport au plan horizontal et est reliée à un ressort de raideur k (figure 1). Soit μs le coefficient de frottement statique; on supposera pour simplifier que le coefficient de frottement dynamique μd est nul et qu'un frottement visqueux permet l'arrêt du mouvement. On note x la déformation du ressort (x = 0 correspond au ressort détendu). On cherche à déterminer cette déformation x à l'équilibre en fonction de l'angle θ.
Figure 1
  1. Donner les plages de valeurs possibles de x à l'équilibre dans les deux cas extrêmes : θ = 0 et θ = π/2.
  2. La paroi est supposée horizontale et le ressort détendu (x0 = 0). On incline progressivement la paroi, l'angle θ variant de 0 à π/2 ; on note alors θ+ les angles d'inclinaison croissants. On désigne par \(x_{i}^{+}\) la série des déformations du ressort dans les positions successives de non-glissement de la brique.
    1. Déterminer l'angle d'inclinaison \(\theta _{1}^{+}\) pour lequel le glissement apparaît. Pour cet angle, déterminer la nouvelle valeur d'équilibre \(x_{1}^{+}\) en fonction de \(\theta _{1}^{+}\), P et k.
    2. On augmente l'angle d'inclinaison; un nouveau glissement apparaît pour l'angle \(\theta _{2}^{+}\). Établir la relation entre \(\theta _{1}^{+}\), \(\theta _{2}^{+}\) et μs.
    3. Montrer que pour chaque \(x_{i}^{+}\) il existe un intervalle \(\left[ \theta _{i}^{+},\theta _{i+1}^{+} \right[\) de non glissement ; on établira la relation de récurrence liant \(\theta _{i}^{+}\) et \(\theta _{i+1}^{+}\). Vers quelle valeur limite tend la différence \(\theta _{i+1}^{+}-\theta _{i}^{+}\) ?
  3. On effectue maintenant le parcours inverse en partant de la verticale. On note \(\theta _{i}^{-}\) et \(x_{i}^{-}\) les angles successifs de glissement et les positions d'équilibre correspondantes.
  4. Etudier comme à la question précédente la succession des valeurs d'arrêt \(x_{i}^{-}\).
  5. Représenter sur un même graphe du plan (θ, x) les paliers d'arrêt successifs \(x_{i}^{+}\) à inclinaison croissante puis \(x_{i}^{-}\) à inclinaison décroissante; on pourra utiliser le fait que les points \(\left( \theta _{i}^{+},x_{i}^{+} \right)\), \(\left( \theta _{i}^{-},x_{i}^{-} \right)\), \(\left( \theta _{i+1}^{+},x_{i}^{+} \right)\) et \(\left( \theta _{i+1}^{-},x_{i}^{-} \right)\) se situent sur des courbes simples. On prendra P/k = 0,1 m et μs = 0,3. Commenter le résultat.
Deuxième partie

Principe de dilatance de Reynolds

En 1875, Reynolds a énoncé le principe suivant : « un matériau granulaire fortement compacté, placé dans une enveloppe flexible, voit invariablement son volume augmenter lorsque cette enveloppe est déformée. Si cette enveloppe est inextensible, aucune déformation n'est possible jusqu'à ce que les forces appliquées brisent l'enveloppe ou fractionnent le milieu granulaire ». Ce comportement est totalement différent de celui d'un solide classique qui voit son volume diminuer sous l'effet d'une compression.
Pour illustrer ce principe et ses limites, on considère la déformation d’un composant élémentaire d'un matériau granulaire bidimensionnel, simplifié à l'extrême, constitué de quatre disques de rayon R placés comme indiqué sur la figure 2. Leur poids n'a pas à être pris en compte dans toute cette deuxième partie.
  1. Sous l'action de forces de compression verticales indiquées par les flèches sur la figure 2, on déforme le losange élémentaire reliant le centre des quatre disques qui demeurent toujours en contact.
    1. Soient St l'aire totale occupée par l'objet et Lv et Lh les longueurs respectives des diagonales verticale et horizontale du losange. Calculer St en fonction de R, Lv et Lh.
    2. Montrer que la partie variable de l'aire couverte définie par \(\Delta {{S}_{t}}={{S}_{t}}-3\pi {{R}^{2}}\) s ‘écrit : \(\Delta {{S}_{t}}=2{{L}_{h}}R\sqrt{1-{{\left( \frac{{{L}_{h}}}{4R} \right)}^{2}}}\)
    3. Préciser les bornes physiques de l'intervalle de variation de Lh. Tracer le graphe de la fonction \(\Delta {{S}_{t}}/4{{R}^{2}}\)en fonction de la variable réduite Lh/2R.
    4. Montrer que l'on peut distinguer sur ce graphe deux régimes de réponse à une modification des forces de compression : un « régime de Reynolds » où le matériau suit le principe de dilatance de Reynolds et un « régime solide » où il a le comportement d'un solide classique. Donner la valeur de Lh/2R correspondant à la transition entre ces deux régimes.
  2. Soit fv, l'intensité de la force de compression verticale exercée sur chacun des deux disques de l'axe vertical du losange au cours de la déformation. L'équilibre est maintenant assuré par l'existence de deux parois verticales fixes déformables en contact avec chacun des deux disques de l'axe horizontal (figure 2). On suppose dans cette question que le contact entre disques est sans frottement.
    1. Montrer que les deux disques de l'axe horizontal exercent sur chacune des parois une force horizontale d'intensité fh vérifiant :\({{f}_{h}}=K{{f}_{v}}\),K est appelé coefficient de redirection des contraintes. Exprimer K en fonction de l'angle θ (figure 2).
    2. Donner la valeur numérique de K pour un empilement triangulaire compact correspondant à θ = 60°.
  3. On suppose maintenant qu'il existe entre les disques un frottement caractérisé par le coefficient statique μs.
Partant d'une situation sans contrainte, on exerce de façon symétrique les forces de compression d'intensité fv. Soit θ l'angle obtenu. Le système étant en équilibre dans une configuration caractérisée par l'angle θ, on supprime les forces de compression verticales (fv = 0). Les parois verticales déformées exercent toujours deux forces horizontales opposées, d'intensité fh.
  1. A quelle condition sur θ le système reste-t-il « bloqué » dans cette configuration d'équilibre ?
  2. Préciser numériquement cette condition pour μs = 0,9.
On dit qu'un matériau granulaire est « compacté » lorsque les particules solides qui le constituent exercent les unes sur les autres des forces de compression et lorsque les forces de frottement internes maintiennent bloquées ces particules.
Troisième partie

Problème du silo : modèle de Janssen-Rayleigh

On considère un récipient cylindrique de base circulaire, de diamètre D, rempli d'un matériau granulaire sur une hauteur H. On désigne par Oz l'axe vertical de révolution du cylindre, dirigé vers le haut. L'origine est prise à la base du récipient. On désigne par « contrainte » une densité surfacique de force. L'air pénétrant tout le matériau, la pression atmosphérique ne joue dans cette étude aucun rôle. On note \(\mathbf{g}=-g{{\mathbf{e}}_{\mathbf{z}}}\) le champ de pesanteur. Dans toute cette partie on fait les hypothèses suivantes :
  • Le milieu granulaire est considéré pour le traitement mathématique comme un milieu continu, de masse volumique ρ uniforme, dont les propriétés ne dépendent que de la seule variable d'espace z.
  • Une contrainte verticale pv, appliquée sur le matériau, initialement non compacté, engendre une contrainte horizontale ph qui lui est strictement proportionnelle de sorte que \({{p}_{h}}=K{{p}_{v}}\).
  • On considère alors que l'empilement est compacté et totalement « relaxé », ce qui signifie que les forces de frottement aux parois sont à leurs limites supérieures et le contact sur le point de céder; il en est de même dans l'ensemble du matériau. Cela se traduit par la relation \(dT={{\mu }_{s}}dN\) où dT et dN sont les composantes tangentielles et normales des actions de contact sur un élément de surface, et où μs est le coefficient de frottement statique.
  1. Étude statique.
    1. En considérant l'équilibre d'une tranche élémentaire [z , z + dz] du matériau, établir une équation différentielle du premier ordre vérifiée par \({{p}_{v}}\left( z \right)\).
    2. En déduire que \({{p}_{v}}\left( z \right)\) est donné par :
    3. \({{p}_{v}}\left( z \right)=\rho g\lambda \left( 1-{{e}^{\left( z-H \right)/\lambda }} \right)\)
      Exprimer λ en fonction de D, μs et K. Calculer λ pour D = 10 m, K = 0,6 et μs = 1.
    4. Tracer un graphe de la fonction \({{p}_{v}}\left( z \right)\). Montrer qu'on peut distinguer deux régimes un régime « hydrostatique » et un régime « saturé ». On supposera H >> D.
    5. Calculer la force verticale exercée sur le fond du récipient, ou poids « apparent »; la comparer au poids réel.
  2. Le récipient cylindrique est entraîné maintenant vers le bas avec une accélération verticale constante \(\gamma =-\Gamma g{{\mathbf{e}}_{\mathbf{z}}}\), (Γ > 0). On étudie le décollement éventuel de la paroi d'une partie de l'empilement ou de son ensemble.
    1. On considère une tranche élémentaire [z, z + dz], de masse dm. On note dFp la résultante des forces verticales de friction exercée par la paroi sur cette tranche de granulat. Si cette tranche décolle, qu'en est-il des tranches situées au-dessus ?
    2. On suppose que cette tranche est non décollée mais à la limite du décollement. Justifier le fait que cette tranche ne subit plus de contrainte verticale. Obtenir alors une relation entre dFp, Γ, g et dm.
    3. On admet que la contrainte horizontale ph exercée par le granulat sur la paroi est inchangée et donnée par l'expression obtenue en régime statique. Comment peut-on justifier cette hypothèse ? Montrer alors qu'il existe une hauteur Ht de fracture, au-dessous de laquelle le matériau granulaire ne peut se détacher de la paroi, et au-dessus de laquelle il décolle, donnée par
    4. \({{H}_{t}}=H+\lambda \ln (2-\Gamma )\)
    5. Calculer Γmin accélération réduite minimale pour qu'une partie de l'empilement puisse décoller, et Γdéc accélération réduite pour laquelle tout l'empilement décollera. Que vaut Γdéc pour un empilement de très grande hauteur ?
    6. Pour étudier expérimentalement ce phénomène, on utilise un récipient cylindrique transparent en Plexiglas de 10 cm de diamètre, rempli de billes rugueuses de 1 mm de diamètre formant un granulat de masse volumique ρ de 2,2 g.cm-3 sur une hauteur H de 1 m. Le récipient est posé sur un plateau horizontal soumis à des oscillations verticales sinusoïdales d'amplitude A et de fréquence ν.
    7. Expliquer qualitativement comment ce montage permet de mettre en évidence le phénomène de décollement décrit plus haut.
      Calculer pour une fréquence de 3 Hz l'amplitude minimale Am des oscillations du plateau pour observer le décollement de tout l'empilement; on prendra λ = 5 cm pour le calcul numérique.
  3. Une autre étude consiste à utiliser un récipient cylindrique de très grande longueur muni d'une paroi escamotable qui sert de fond à l'empilement granulaire de hauteur H. On retire brusquement cette paroi vers le bas et on s'intéresse à la chute guidée de l'empilement juste après cette opération. Comme précédemment, on supposera dans cette question que la contrainte horizontale ph initiale s'exerçant sur la paroi verticale perdure si la contrainte verticale pv diminue ou disparaît ; de plus le coefficient de frottement dynamique μd sera pris égal au coefficient statique μs.
    1. Montrer que, si on suppose une tranche [z, z + dz] déconnectée de ses voisines, son accélération réduite Γ(z) est donnée par \(\Gamma \left( z \right)=\exp \left( \frac{z-H}{\lambda } \right)\). En déduire que l'empilement à tendance à rester compact au cours de sa chute.
    2. Déterminer alors la valeur de son accélération réduite Γch . Montrer que Γch est une fonction monotone décroissante de H.
    3. Préciser et interpréter les limites pour (H/λ) << 1 et (H/λ) >> 1.
    4. Des fluctuations géométriques peuvent cependant induire l'apparition de fractures lors de la chute. On suppose donc qu'une fracture apparaît à l'altitude Hf. Cette fracture provoque une réorganisation instantanée du système en deux empilements fils. Soit A l'empilement supérieur et B l'empilement inférieur. On suppose que l'expression de Γch(H) s'applique séparément à chacun des deux empilements.
A quelle condition sur Hf la fracture ne se refermera-t-elle pas au cours de la chute ?
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